De la musique folk mélangée avec du black metal... de nos
jours, quoi de plus banal ? Hein ? Sauf que :
1. On parle de folk espagnol, pas de folk
scandinave/ukrainien.
2. On parle surtout de folk et un peu de black metal.
3. Cristina et Oscar, le duo répondant au doux nom
d'Aegri Somnia, sont des interlocuteurs de choix, évoquant bien des sujets avec
profondeur.
Si avec ça vous ne lisez pas l'interview...
-Winter
: Salut, pouvez-vous présenter?
-Oscar : Nous sommes Ageri Somnia, nous sommes un duo,
composés de Cristina et moi. Le
nom que j’utilise pour mes différents projets musicaux est Nightmarer. Pour ce
projet concrètement, nous faisons converger des styles musicaux très
différents. Nous avons tous les deux joué pendant un certain temps dans un
groupe de musique celte, typiquement irlandaise. À cette époque-là, nous avons
eu envie d’apprendre à jouer du tambourin et nous avons suivi les cours
d’Eliseo Parra, qui est un artiste très connu dans le milieu du folk ibérique. C’est
là que nous avons senti que nous avions la possibilité d’explorer une voie
différente. Nous nous sommes rendu compte que le folk espagnol est un genre
extrêmement méconnu, dès que tu sors du flamenco, des sévillanes et de la
musique celte galicienne ou éventuellement asturienne. Nous avons donc voulu
exploiter ce folk « oublié » et le mélanger avec du black metal de tendance
avant-garde, et de la musique electro aussi. Comme il n’y a pas de chemin pré-établi pour ce projet, nous avons
expérimenté.
-Winter : à propos de la méconnaissance du genre, je dois
vous raconter une anecdote. J’ai fait écouter votre album à ma femme, qui
déteste le metal, et je lui ai dit : « Enfin un truc qui devrait te plaire !
C’est du metal mélangé avec du flamenco… » Elle m’a regardé et m’a dit : « T’es
con ou tu le fais exprès ? C’est une jota ! Écoute le rythme, il n’y a rien de
flamenco là-dedans ! »… (rires) Pour en revenir à l’interview, vous vous êtes
concentrés sur le folklore du nord-ouest de la péninsule, non ?
-Cristina : Non, c’est de toute la péninsule. Sur le
disque, tu as une chanson galicienne, nord-ouest donc, mais aussi un fandango
de Huelva (extrémité sud-ouest de l’Espagne) par exemple. Ton anecdote est
amusante et révélatrice du peu de connaissance qu’ont les gens sur le sujet.
Quand je dis que je chante du folklore, on me demande « Ah, de la musique celte
? » et je réponds « Non, des jotas », et là tu te fais regarder bizarrement. La
musique traditionnelle est vue comme un truc vieillot… Quant à l’absence de
flamenco sur cet album, comment dire… Pour te donner une image, le flamenco
c’est comme une porte avec une serrure très compliquée et je ne suis pas encore
arrivée à l’ouvrir. Un jour
j’y arriverai peut-être, mais pas pour l’instant.
-Winter
: L’erreur que j’ai commise est très fréquente au pays des Gabachos [terme
péjoratif pour désigner les Français]. Quand j’ai fait écouter "El Señor
Platero", beaucoup de gens ont également cru que c'était du flamenco.
-Oscar : Ici aussi. Les gens ne font pas la différence.
Il faut dire qu’elle est parfois mince entre les différents styles : ça peut
être une histoire de vitesse d’exécution, de rythme, de variations sur la
manière de jouer…Les chansons se dansent avec les mains plus ou moins hautes…
Et oui, il faut préciser que toute cette musique est une musique sur laquelle
on danse. Curieusement, l’étincelle de laquelle est né ce projet vient de
l’écoute de la chanson "Zambra" du groupe français Hacride. Cette
chanson est une reprise d’une rumba flamenca de Ojos de Brujo (groupe
barcelonais mélangeant flamenco, hip-hop, …) et on s’est dit que c’était quand
même incroyable que ce soit un groupe français qui fasse ce type de reprise et
qu’ici personne ne fasse la même chose. Alors bon, notre musique n’a pas grand-chose
à voir avec le metalcore d’Hacride mais on s’est dit que l’heure était venue de
se défaire de certains complexes. Si tu es allé à des concerts ici, tu as dû te
rendre compte qu’il y a une espèce de rejet à l’encontre de la Tradition*, en
France c’est peut-être pareil, mais sûrement moins qu’ici…
-Winter : Euh… C’est marrant parce que dans ma chronique
je dis justement l’inverse : il y a plus de respect ici qu’en France…
-Oscar : Au moins en France, vous avez de groupes qui
chantent en français. Ici non.
-Winter
: C’est vrai pour le black metal, mais c’est un phénomène relativement récent. Et
d’une manière générale, il y a pas mal de mépris pour la tradition.
-Cristina : Ici aussi.
-Winter : Oui, mais par exemple, ici vous avez les fêtes
locales. En France…
-Cristina : Mais les fêtes locales ici, c’est un truc de
vieux. Avec mon groupe précédent, nous sillonnions l’Espagne et j’ai chanté
dans plein de villages, sur les places, montée sur une charrette, là où on
transporte le foin et les animaux, avec mon tambourin… Et c’est un truc de
vieux. Ça ne devrait pas être comme ça, le folklore fait partie de notre
identité.
-Winter
: Je suis d’accord, mais affirmer ça peut te faire passer pour un extrémiste.
-Cristina : C’est vrai, on t’associe très facilement à la
droite radicale.
-Oscar : Ici encore plus d’ailleurs, à cause de la guerre
civile. Il se trouve que pendant la dictature, la phalange espagnole avait une
section féminine qui se consacrait à la célébration d’activités culturelles et
sportives, folklore et danse traditionnelle inclus. C’est assez difficile dans
l’esprit des gens de séparer le fascisme de la tradition. Ceci dit, le rejet
des gens envers le folklore est d’abord dû au fait qu’ils voient ça comme un
truc de vieux, plus que comme un truc de fascistes, ce qui quelque part est
encore pire… Ici le fascisme ne fait hélas pas très peur…
-Winter : Sinon, vous êtes tous les deux fans de metal ?
Toi Oscar, je sais que c’est le cas, tu mentionnes d’ailleurs plusieurs groupes
de black metal sur votre page Facebook. Et toi, Cristina ?
-Cristina : Oui, c’est d’ailleurs comme ça que nous nous
sommes connus, Oscar et moi. Je chantais à l’époque dans un groupe de metal
gothique. Oscar avait besoin,
pour l’un de ses projets, d’une voix féminine.
-Winter
: Et tu travailles toujours sur ce projet ?
-Oscar : Pas pour l’instant, même si un EP est sorti en
2015. Le projet s’appelle As
Light Dies et j’y joue avec d’autres musiciens. Musicalement, les influences se
situent du côté d’Arcturus, Borknagar, Ved Buens Ende aussi, Dodheimsgard,
c’est assez éclectique. On y trouve aussi du matchore, du gothique… Après, j’ai
aussi des projets solos. L’un d’entre eux s’appelle Garth Arum, c’est du metal
symphonique. Cristina y chante aussi, tout comme mes amis français de Smohalla,
Stagnant Waters et Pryapisme.
-Cristina
: Mes goûts sont plus classiques. J’ai commencé avec Nightwish, je voulais
chanter comme Tarja Turunen d’ailleurs. Je mis suis ensuite mise au folk
et ai dû faire évoluer ma manière de chanter.
-Winter : Il est clair que ta manière de chanter dans
Aegri Somnia est assez typique de la chanson espagnole. D’une manière générale,
vous privilégiez vraiment le folklore espagnol, vous avez une volonté de
classicisme. Après, il y a des morceaux où vous « bousculez » un peu plus la
tradition, comme "La Culebra" qui pour moi est vraiment une réussite…
-Cristina : Cette chanson, c’est un petit morceau d’une
danse typique de la région de Sanabria (nord-ouest de la péninsule). Dans cette
danse, il y a une partie qui constitue une jota de laquelle est issue "La
Culebra".
-Winter : En général cependant, vous accompagnez la
chanson originale. C’est la démarche inverse des groupes de black-folk metal où
la musique peut inclure des éléments folks, éventuellement en grande quantité,
mais la base est black metal.
-Oscar : En fait, la tradition orale conserve le chant. L’accompagnement musical est, lui,
sujet à variation. Que tu accompagnes le chant avec un tambourin ou avec
de l’electro, cela reste ton interprétation. Il est vrai que certains titres de
l’album ont un rythme plus proche des interprétations classiques, mais cela
reste notre interprétation, qui dans tous les cas a le même objectif : accentuer
le germe « maladif » présent dans ces chansons. Par exemple, pour les deux
romances de l’album, celle de "Santa Elena" et "La
Deshonra", nous avons dû beaucoup réfléchir à comment les accompagner,
parce qu’à la base, il n’y a que du chant. Pour "Santa Elena", nous
voulions quelque chose de laid, ou tout du moins lugubre.
-Cristina : L’histoire derrière cette chanson est
vraiment terrible, même si il s’agit d’un air qui est parfois utilisé comme
berceuse et qu’on associe facilement à de vieilles femmes chantant pour
endormir des petits. Le défi a été de présenter cette chanson de manière à ne
pas rebuter le public, que les gens ne se disent pas « Mais qu’est-ce que je
fous ? Je ne vais quand même pas écouter un air chanté par des grands-mères !»
-Oscar : Sur l’aspect de l’accompagnement, un des défis
auxquels nous avons été confrontés vient du fait que le chant contient déjà
toute l’essence de la chanson. Tout
ce que tu ajoutes peut facilement abîmer cette essence, donc il faut faire très
attention.
-Winter : Oui, il y a un équilibre fragile à trouver.
J’ai quand même tendance à diviser les chansons de l’album en deux : celles qui
respectent totalement le thème original et celles où on sent une symbiose entre
le folklore et la musique moderne metal ou electro. Sur "La Culebra"
– je sais, j’insiste beaucoup sur cette chanson ! - il y a une espèce de climax
symphonique, au moment où vous utilisez les trombones, qui me paraît dingue…
-Oscar : Oui. C’est un peu le même procédé qui est
utilisé sur "La Ronda De Mayo".
-Cristina : "La Ronda de Mayo", c’est ma
chanson préférée de l’album. (NDW : j’éprouve alors l'étrange sensation de ne
pas m'être extasié sur le bon titre…)
-Winter : Cette rencontre a priori pas si évidente entre
black metal et electro, d’une part, et folklore ibérique d’autre part, vous a
paru quelque chose de naturel ou au contraire, vous avez dû d’une certaine
manière « forcer » la rencontre, la travailler ?
-Cristina : D’un côté, on peut dire que c’est un
processus naturel. Oscar a sa culture musicale, j’en ai une autre. Elles se rejoignent sur certains
points, sur d’autre non. Ce projet se fait naturellement comme une convergence
de nos affinités. Mais d’un autre côté, c’est un processus qui choque.
Je me rappelle que quand nous avons enregistré "La Ronda de Mayo", je
l’ai fait écouter à une amie qui chante du folk, et elle n’a pas compris la
chanson. Pour elle, c’était
simplement la chanson qu’elle connaissait, avec du bruit autour. Et il y aura
beaucoup de personnes comme elle.
-Winter
: Donc vous êtes conscients qu’il s’agit d’une voie étroite, difficile. Quel
est votre public? Comment le décririez-vous ?
-Oscar :
Notre public n’existe pas. Ça rejoint la question précédente : cette rencontre
devait être provoquée à un moment ou à un autre c’est nous qui nous en sommes
chargés. Combien d’albums de black metal sortent par an ? Si un fan veut
écouter du black metal classique, il a tous les choix possibles et imaginables.
Nous on est là au cas où il ait envie d’écouter quelque chose de différent.
Nous voulons explorer cette voie, indépendamment du fait que ça puisse plaire
aux gens ou pas, même si, bien sûr, on préfère que ça plaise. Nous avons
envie de rompre quelques schémas pré-établis et d’aller à l’encontre des
préjugés. En Espagne, certains chroniqueurs n’ont pas du tout compris l’album
et se sont limités à faire un copier-coller de la biographie que nous avions
envoyée et à dire que c’était difficile d’accès. C’est peut-être difficile
d’accès, mais au moins, nous sommes là pour proposer quelque chose de nouveau,
que nous sommes les seuls à offrir.
-Cristina : Combien de personnes issues du black metal
sont disposées à écouter des jotas ? Aucune. Elles n’en écouteront que si
j’arrive à les feinter avec ma pochette à l’esthétique metal.
-Winter : Oh quand même, il y a des gens qui sont
intéressés par ce type de musique. Je précise ma question : quel type de
personnes vont donnent un feedback de votre œuvre ? Des métalleux ?
-Oscar : Oui. Pas du monde du folk espagnol traditionnel.
Ce monde-là se complait dans la vieillerie. Les gens ne veulent pas aller vers eux et eux ne veulent pas s’ouvrir
aux gens. Maintenant, les personnes prêtes à écouter du folk irlandais,
galicien, français sont plus ouvertes. Une anecdote : nous avons joué aux côtés
d’un groupe de black metal excellent nommé AanomM et d’un autre groupe…
-Cristina
: Les organisateurs du concert étaient vegans et j’avais dû leur expliquer
pourquoi je suivais la méthode traditionnelle et fabriquais mes tambourins avec
du boyau… Mais bref, je dévie… À la fin du concert, il y a des black metalleux
qui sont venus et m’ont dit que je les avais fait pleurer.
-Winter
: Ceci dit, s’il y a bien une scène metal qui peut connecter avec le folk,
c’est bien la scène black metal.
-Oscar : C’est vrai. Mais il y a aussi un autre facteur
qui joue : c’est le live. C’est très différent d’écouter un bout de l’album
chez soi ou d’aller à un concert où, forcément, vu que tu y es, tu vas devoir
te fader tous les morceaux du groupe qui joue. Pour en revenir à ce fameux
concert, je dois ajouter qu’il y a aussi des personnes qui nous ont dit qu’il
était temps qu’un groupe joue ce genre de choses en Espagne.
-Cristina : Nous avons joué également dans un concert de
célébration de la Toussaint, la nuit du 31 octobre, l’ambiance était spéciale,
théâtrale. Nous avions mis une table pour expliquer les traditions qui se
maintiennent dans certaine partie de la péninsule pour la Noche de los Difuntos
(« Nuit des Défunts »), comme le fait de mettre le couvert pour le défunt, ou
d’aller à la montagne manger des châtaignes. Quand on finit le concert, un gars s’avance vers moi, limite agressif et
me dit : « Tu m’as vraiment rappelé mon père, qui est mort il y a vingt ans !
Qu’est-ce que tu m’as fait souffrir ! »
-Oscar :
Beaucoup de ces chansons se chantaient ou se chantent encore à Noël, il est
donc tout à fait possible que les Espagnols reconnaissent certaines chansons et
que ça leur évoque des souvenirs.
-Cristina
: Oui, ou même seulement un vers, une strophe…
-Winter
: Quel est le chemin que vous vous marquez ? Allez-vous rester dans le folk ou
pensez-vous changer à un moment donné ?
-Oscar :
En fait, il y a deux chemins : celui relatif aux albums que nous allons faire
et celui relatif à nos prestations live. Sur ce dernier point, ce que nous
avons fait jusqu’à présent, c’est monter sur scène à quatre maximum, deux
guitares, une basse, Cristina pour la percussion et le reste des sonorités
était enregistré, et la musique y perd. Ce que nous avons pensé, afin de
compenser le manque de percussions – il nous est impossible de réunir le nombre
de percussionnistes suffisant - c’est ajouter une batterie. Mais le batteur ne
jouerait pas de manière orthodoxe, il appuierait de manière subtile le reste
des instruments. En ce qui concerne les albums, nous avons déjà pas mal de
matériel pour le prochain travail. Nous avons d’une part des chansons dans la
ligne du premier album et d’autre part, du matériel concernant la Guerre Civile
vue du côté républicain.
-Cristina : nous avons déjà été transgresseurs en
dépoussiérant ces vieilles chansons traditionnelles et ça ne va pas s’arranger
vu qu’on va aborder la Guerre Civile, qui est un sujet de notre histoire qui
nous inspire une certaine honte. Avec le temps on découvre toujours plus de choses sur cette guerre…
-Oscar :
Ce sont des chansons qui ont beaucoup de force. Leur diffusion avait bien sûr
été interdite. Elles sont remplies d’espoir de victoire, ce sont des odes à la
victoire. Quand les Républicains ont perdu, elles se sont teintées d’une
mélancolie incroyable. Les thèmes abordés sont forcément violents, on parle de
prendre la mitraillette, de tirer, de tuer, etc. Nous devons encore travailler tout ça, mais
c’est l’idée.
-Winter
: Vous envisagez une action politique pour accompagner l’album ou vous restez
dans la création artistique ? Voulez-vous transmettre un message politique ou
préférez-vous simplement transmettre un témoignage ?
-Cristina
: Comme sur bien d’autres sujets, Oscar et moi avons un point de vue différent.
Pour ma part, je crois que nous devons nous limiter à la mission didactique.
Nous dépoussiérons des choses et nous les faisons connaître, chacun étant
ensuite juge de ce qu’il écoute. Ceci dit, nous ne pouvons pas non plus
complètement rester étrangers à ce que nous jouons.
- Winter
: C’est sûr que le fait de choisir des thèmes républicains ne devrait pas faire
beaucoup rire ceux de l’autre bord.
-Oscar : Ce n’est pas si évident. Il y a pas mal de
pro-fascistes qui nous suivent aussi.
-Winter : Il est également sûr que vous ne pouvez pas
rester étrangers à vos propre choix, mais vous pouvez vous contenter de jouer
ces chansons ou de délivrer un message politique dans les concerts, en disant
aux gens quelle voie ils doivent suivre.
-Cristina : Je ne suis pas partisane de cette option.
Maintenant, si à un moment donné notre musique est choisie pour accompagner un
acte politique, je ne m’en plaindrai pas.
-Oscar : De toute façon, ces chansons ne parlent pas de
doctrine politique mais de la résistance, de la lutte des classes, de la
survie. Aucun air ne parle du Capital de Karl Marx, ni de Mao. Quelques fois il
y a des allusions à des Commandants comme Carlos, du Cinquième Régiment, mais
principalement, ils parlent du pouvoir du peuple qui s’unit pour se défendre
d’un coup d’état, d’une insurrection militaire.
-Winter : Vous orientez tout ça du côté de l’expérience
humaine.
-Oscar : Et du récit, surtout.
-Cristina : C’est le fil conducteur d’Aegri Somnia depuis
le début. Nous prêtons notre
voix à des personnes défuntes, qui nous racontent des expériences douloureuses
qui leur ont fait commettre des folies. Parfois, ils les ont commise dans le
seul but de rester en vie.
-Winter
: Plus le temps passe et plus j’ai la sensation qu’au-delà des couleurs
politiques, la Guerre Civile a été un drame.
-Cristina : Oui. Un énorme drame.
-Winter : Et en fin de compte, il n’y a pas eu tant de
temps qui s’est écoulé depuis. C’est quelque chose d’encore très présent.
-Oscar : Oui, il suffit d’acheter un journal pour s’en
rendre compte.
-Cristina : Exact. Mais j’insiste sur le fait que ces
histoires parlent de personne qui se sont données corps et âme et grâce à
elles, je peux chanter ces chansons.
-Winter : Ce sont des airs où la douleur est très
présente, avant même que vous ne les remaniiez.
-Oscar : Il faut dire que nous avons quand même
sélectionné certaines chansons. Il y a aussi du folk heureux. "La Ronda de
Mayo" est d’ailleurs un thème joyeux, mais on y retrouve toujours un point
de nostalgie, ne serait-ce que parce que ça évoque des personnes disparues, une
Espagne, plus pure, plus innocente, qui a disparu. Et de toute façon, la
douleur reste toujours un peu présente.
-Winter
: Oui. Il y a toujours en filigrane la souffrance du peuple, des gens
normaux.
-Oscar : Il faut dire que l’Espagne est en retard en
comparaison avec les autres pays européens. Nous ne sommes sortis du féodalisme
qu’avec la démocratie (en 1978 avec la rédaction de la Constitution actuelle).
C’est un pays finalement encore assez peu industrialisé. Les campagnes sont
désertes et pleines de villages abandonnés. El Gran Wyoming (un comique local
assez connu) disait dans une interview qu’il avait connu à la fois l’Espagne de
Curro Jiménez, celle des Espagnols luttant contre l’envahisseur français avec
leur couteau (début du XVIIIème siècle et Napoléon) et l’époque moderne, avec
une transition d’à peine quelques décennies. L’Espagne des années soixante
était très similaire à celle du XVIIIème siècle.
-Winter
: Pour revenir à l'aspect musical, les musiciens qui vous accompagnent, ce sont
des amis ?
-Oscar :
Oui. Il y a notamment une fille qui s'appelle Cecilia, issue de la scène IDM
(Intelligence Dance Music). Elle a une voix assez particulière et joue toute
sorte d'instruments, elle était très enthousiaste à l'idée de participer.
D'autres personnes se sont proposées, mais aucune personne que nous ne
connaissions pas auparavant. Pour les concerts nous sommes en train de voir qui
peut nous accompagner pour les concerts, si nous arrivons à en faire, le
problème étant que nous ne savons pas quel est notre public...
-Winter:
Vous vous voyez dans des fests comme Madrid Is the Dark ?
-Oscar : Absolument ! J'y ai d'ailleurs déjà joué avec un
de mes projets et l'organisateur est un ami. Simplement, il ne nous appellera
que si Aegri Somnia a un certain succès.
-Cristina
: Je nous vois jouer n'importe où, sincèrement. Je ne suis pas timide !
-Winter
: Au Hellfest ?
-Les deux : Bien sûr. Pourquoi pas ?
-Cristina : N'importe où. Dans une fête de village aussi.
-Winter
: Merci d'avoir répondu à toutes ces questions !
-Les deux : Merci à toi !
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