L’Espagne, en tant que pays latin, est étiquetée comme un
pays machiste. Paradoxalement, la femme
y joue un rôle fondamental. Pas assez ample, c’est en tout cas ce que considère
un important secteur de la population, dans lequel je m’inclus, mais
fondamental. Le culte de la Vierge Marie n’est qu’une illustration symbolique
de la haute importance du mal nommé « sexe faible » de l’autre côté des
Pyrénées. Considérée comme la base de la famille, elle représente, entre
autres, le sens du sacrifice, du travail et de l’abnégation. Et aussi : elle
chante.
En bon « guiri » (les Européens du Nord) ou « gabacho »
(nom péjoratif pour désigner les Français) -c’est-à-dire en véritable ignorant
du folklore local, malgré plus de quinze ans passés en terre ibérique- j’ai
cru, en écoutant pour la première fois Ad Augusta Per Angusta, tenir une
version métallisée des chansons traditionnelles andalouses. « Tiens, chérie,
pour une fois, ma musique à la con pourrait te plaire ! C’est du flamenco à la
légère sauce metal-electro ! » . La réponse ne s’est pas faite attendre : « Tú
eres gilipollas, ¿o qué te pasa? », que l’on traduira gentiment par « T’es
vraiment un **&%$, non ? » J’ai pu apprendre ainsi, que, malgré des
mélodies sonnant « du sud », le rythme des .chansons ne correspondait en aucun
cas à du flamenco. Si "Veneno" provient de la région de Huelva -ouest
de l'Andalousie-, l’inspiration d’Aegri
Somnia est puisée dans une large partie du territoire ibérique (de la Cantabrie
à Madrid en passant par la Galice), et l’objectif du groupe est simple :
métalliser avec finesse le legs traditionnel de ces régions. Avec finesse, car
le duo ibère privilégie très franchement la chanson initiale aux décibels et à
la castagne. La preuve : la rythmique est entièrement assurée par le tambourin
(la « pandereta ») et autres instruments à percussion populaires d’antan, au
détriment de la batterie. Les guitares et les beats electro font au mieux jeu égal
avec la tradition ("Señor Platero", "La Culebra", "La
Niña de la Arena"), mais en général, elles ne font qu’électriser les
titres du bout des doigts.
Par conséquent, toute personne n’appréciant pas un tant
soit peu ce folklore méridional peut passer son chemin directement. Les
amateurs de ce genre de mélodies pas forcément très adaptées au metal, tout du
moins a priori, pourront en revanche apprécier la voix de Cristina aka Lady
Carrot, remarquable de précision et totalement faite pour ce type de chanson.
Souple, modulé, son organe vocal possède une gamme ample et la demoiselle monte
parfaitement dans les aigus, sans indisposer l’auditeur, bien au contraire
("Seran", "Rondón del Enamorado y de la Muerte"). La
musique ne fait, en général, que mettre en valeur ses envolées, comme la
tradition l’impose, et c’est peut-être le seul défaut de l’œuvre : un (trop ?)
grand respect du folklore. Seuls "Señor Platero" et l’immense
"La Culebra" osent mettre à mal les versions originales. La première
est la plus remuante de l’ensemble, grâce à une guitare tranchante l’espace
d’un morceau, tandis que la seconde réussit une symbiose inespérée entre chant traditionnel,
beats electro et guitare, et se permet même le luxe d’intégrer un break
symphonique inattendu et somptueux. Pour le reste, Ad Augusta se « contente »
d’exciter légèrement des chansons dont la portée émotionnelle est souvent haute
pour les amoureux du plus beau pays d’Europe. "Molinero – Vengo de
Moler" et "La Niña de la Arena" montrent un visage rythmé, là où
"Romance de Santa Elena" développe doucement sa mélodie, et, de
manière globale, on ne déplora que très peu de déchets sur cette bien belle ode
au folklore de la péninsule ibérique.
De par sa nature, Ad Augusta Per Angusta ne peut séduire
qu’un public métallique restreint, mais si vous éprouvez certaines affinités
avec la tradition ibérique et n’êtes pas insensibles au chant des sirènes du
sud, tentez l’aventure. Le second album d’Aegri Somnia est natif d’un pays où
l’on crache moins sur ses racines que sous d'autres cieux, et ça se ressent.
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